Chimera errait, gardienne fantomatique d'un espace clos... Ils l'avaient voulu accueillant, mais pour une minorité... avaient-ils eu raison? Minorité... à un tel point que désormais elle se sentait seule au monde dans ce lieu qui jadis était son foyer, plus que tout autre endroit.
Elle méditait, parcourant les sentiers familiers, sans aucun espoir de voir Sioban perché dans une branche, ou d'entendre Morgove siffloter... Terenemar, Aliéniore... Lusiana.... plus aucun espoir de voir la moindre âme qui vive, mis à part les habitants des lieux, qu'elle entendait s'agiter dans les branches, feuilles et fourrés... Immuable persistance de Nature. Ses créatures étaient là avant eux, elles le seraient également après. Heureux dénouement, peu importe celui qui serait le sien...
La jeune barde posa machinalement, comme souvent ces temps-ci, une main douce sur son ventre. Bientôt, elle mettrai au monde une vie nouvelle. Mais quelle vie y avait-il ici? Quelle vie parmi ces arbres qu'elle chérissait tant? Enracinés dans leur silence végétal, ils ne pouvaient plus lui apprendre; ni à elle, ni au petit être qui grimperait peut-être plus tard dans leurs frondaisons... leur sérénité, le cycle de nature... bien sûr, mais... il lui manquait tellement, ils lui manquaient tous tellement...
Au fin fond de sa mélancolie....
Un chant...
Un chant... comme la mélodie lointaine d'un espoir abandonné... des mots pleins de sens... comme un écho de ses propres pensées...
Elle s'était interrompue un instant, pour s'assurer que son oreille expérimentée n'affabulait pas, et que ce n'était pas seulement le murmure du vent dans les feuilles mais bien la production mélodieuse d'une voix humaine... Ses pas, et sa curiosité, avaient mécaniquement fait le reste. Elle se tenait désormais en bordure de la clairière, avec devant elle la longère qu'elle avait si souvent observée d'ici. Mais aujourd'hui, le paysage était différent... Un homme, avec une harpe et un balluchon, se tenait près de la porte de la demeure. Elle l'avait déjà aperçu, mais que...? Passé le bref instant de saisissement, elle s'approcha:
Messire... demat...
Je crois vous avoir déjà rencontré, brièvement certes...
S'apercevant soudain qu'il attendait peut-être là depuis un bon moment, elle se hâta vers la porte et l'ouvrit en la maintenant pour lui laisser le passage.
Entrez je vous en prie, ne restez pas dehors.