[Bertincourt - Avril 1456] Cérémonie des eaux en Artois

Barde Messages : 470 Date d'inscription : 13/10/2007

Chimera a écrit:: [Le soir de la pleine lune - à la nuit tombée]

La jeune femme, ombre furtive, s'approche de la fontaine.

Elle lève les yeux vers l'astre lunaire, pour ne pas faillir à sa tradition personnelle... Ce soir, elle ne doit pas chercher à le distinguer entre les branches des arbres majestueux du bosquet d'Etel. Toujours aussi rayonnant... éternelle Ceridwen... Elle est bien loin de chez elle pourtant, mais le regard de Nature, de là haut, ne fait pas la différence entre Bretagne et Bertincourt. Les eaux courent de la même façon, le cycle de la vie est inchangé et les eaux doivent être renouvelées. Cette fontaine... un doux sourire se forme sur ses lèvres. L'eau qui ruisselle. Le son est légèrement différent et à la fois si semblable. Il n'a pas son égal...

Elle détache la fibule de son léger manteau et ôte ses chausses sans trop savoir pourquoi. Ses longs cheveux roux, libérés de l'étreinte du tissus, cascadent dans son dos. C'est pieds nus et dans sa houppelande blanche si similaire à la saie des druides qu'elle s'approche de la fontaine.

Dans sa main, la petite bourse de cuir, que la jeune barde croit sentir frémir, comme chaque mois, lorsqu'elle contribue à rendre ces hommages.

Prenant une profonde inspiration, elle s'approche jusqu'à se tenir près de la pierre supérieure de la fontaine... Ses doigts, comme d'innombrables doigts avant les siens, défont lentement les cordons de la bourse, guidés par une sagesse défiant les âges.

L'un après l'autre, elle dispose les cristaux en cercle sur la pierre... sept cristaux, chacun sa texture, chacun sa couleur... si familiers....Les gestes sont désormais automatiques, assurés.

Autour des pierres, les feuilles, sept feuilles. Une feuille, une pierre... Houx... gui... châtaigner... chêne... cette odeur toujours: lavande. Ronde ancestrale, minéraux et végétaux s'appelant pour être réunis, amants de pleine lune.

Elle a pris ses précautions et a apporté avec elle un morceau de mousse qu'elle humidifie dans la fontaine avant de le déposer délicatement au centre des cercles.

Se penchant à nouveau, elle plonge ses mains en coupe dans la fontaine pour prélever l’eau qu’elle offrira à la Lune. Levant mains et regard vers l’orbe scintillant, elle le contemple un instant tout en laissant l’eau ruisseler entre ses doigts comme elle ruisselle si bien en tout lieu, roche, terre... Alors que l’eau s’écoule, des mots suivent son cours en un murmure toujours inconscient. L’eau glisse le long de ses bras alors qu’elle répète l’opération au dessus de la fontaine, deux fois… sept fois.

Elle en appelle aux forces de la Nature, à la bienveillance de leur Mère. Elle en appelle aux forces des Ancêtres pour que cette eau dont elle a ce soir, comme tant d'autres soirs, la charge, soit purifiée et continue d’abreuver la terre et de la faire vivre.

Mère, à l’apogée de ta bienveillance, nous te remercions pour ce cycle immuable d’eau et de lumière que tu nous offres, qui est le garant du bien-être de chaque être qui peuple ton royaume.

Nous.... elle est seule pourtant, mais non, elle ne parle pas uniquement pour elle... Elle plonge a nouveau les mains dans l’eau puis se tourne vers les points cardinaux en agitant légèrement les mains. Quelques gouttelettes projetées à l’Ouest, quelques unes au Nord, quelques unes à l’Est, puis au Sud.

Eau qui toujours retourne au ciel, discrète vapeur, pour retomber à nouveau,
Déversant sans distinction sa protection sur les êtres, vététaux, minéraux, animaux.
Cocon protecteur de l’enfant dans le ventre de sa mère,
Vague furieuse érodant la montagne.
Source, Rivière, Fleuve, Nuage,
Terre, air, mer,
Déluge ou Jaillissement,
Mère qui abreuve toute soif et lave toute impureté.

S’agenouillant près de la fontaine, elle joint le geste à la parole et recueille une nouvelle fois de l’eau dans ses mains en coupe pour la porter à ses lèvres. Après s’être relevée, elle lève une fois encore les yeux vers l’astre lunaire pour murmurer :

Pâle, insolente et rayonnante
Lointaine tentatrice auréolée d’un halo laiteux
Promesse de brumes lascives, de pluies fécondes ou glacées
Loargann, la nuit est ton royaume, veille sur nous jusqu’à l’aube.

Sur nous... sur eux...

Elle a ajouté ces mots dans un murmure imperceptible, plus pour elle-même qu'autre chose, à se demander presque si les mots ont franchi ses lèvres... Personne avec qui partager l'eau purifiée ce soir. Elle n'a pas prévenu ses compagnons de route, elle a souhaité faire cela seule, et c'est seule qu'elle s'écarte doucement de la fontaine, et seule qu'elle s'éloigne après s'être rechaussée et avoir rajusté son manteau. Temps d'arrêt, dernier regard vers Ceridwen. C'est bien elle, mais elle ne brille pas du même éclat... il est plus que temps de rentrer...

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