Amzer Nevez, une ère nouvelle...

Alors la voix de *Lysamaelle* s'éleva dans la pièce.
Elle continua de jouer son luth et son regard se posa sur toutes les personnes presentes.
Son chant était puissant puis doucement, elle diminua d'intensité et quand elle eu finit, elle sourit et dit

- Vous ne pensez pas que du chouchen serait la bienvenue là ?

Fichu sur la tête, sarrau à carreau serré à la taille, les pieds campés dans une paire de sabots de bois bourrés de paille, Lusiana n’avait plus rien de l’allure du procureur ou de la baronne qu’elle etait. Elle ressemblait à nouveau à la jeune fille qui était arrivée à Rennes, venant de sa campagne ploërmelaise qu’elle avait quitté à la mort de Maria des Trois Fontaines, sa file de grand-mère.

Un balais de genets séchés dans les mains, elle avait ouvert tous les volets et les portes pour faire entrer l’air dans la grande maison. Et elle s’évertuait à balayer le sol. Quand ce fut fait, alors que chacun s’échinait à donner plus belle allure à leur demeure, elle alla au puits chercher de l’eau et se mit à genoux pour frotter énergiquement les dalles de pierre du sol de la grande salle de séjour où ils s’étaient installé en attendant que le toit de chaume soit réparé. A son levé, elle avait envoyé des courriers de-ci de-là, et notamment au notaire qui lui avait vendu la maison, pour qu’il trouve et embauche des gens qui viendraient les aider.
Le toit, les portes et les fenêtres étaient le plus urgent. Il fallait aussi restaurer l’étable et le poulailler. Même s’ils n’avaient pas vocation à devenir des fermiers, il leur fallait bien assurer leur subsistance. Et l’hiver approchait.

Elle mourait d’envie d’aller courir les bois et de retourner près du marais observer ces oiseaux sauvages. Mais, la maison était une priorité. Ils n’étaient que quatre, et leur demeure etait dans un triste état.
Par bonheur, sa position familiale lui donnait quelques avantage. Etre baronne et procureur permettait d’obtenir plus facilement les choses, par le respect que cela inspirait. Et la fortune familiale autant des Guerande que des Dénéré lui permettait de payer rubis sur l’ongle. Elle avait demandé à Maître Geraud, le maître d’œuvre de la clinique, de venir avec ses arpètes pour les aider à réparer la maison. Elle avait confiance en lui. Sérieux, efficace, il avait fait du si bon travail au chantier de la clinique, qu’elle ne pouvait que faire appel à lui pour la maison de la colline.

Elle avait fait une liste mentalement en trayant la vache. Du bois pour l’hiver, faire provision de cidre et de chouchen, faire provision de lard et de cochonnaille. Le saloir était dans un si triste état qu’il n’était même pas envisageable de l’utiliser cette saison. Il leur faudrait donc pratiquement tout acheter leur pitance, mis à part les œufs qui allaient se faire rare maintenant que l’hiver approchait, et le lait que la vache allait continuer à donner. Elle pensa aussi qu’il faudrait qu’elle trouve un paysan pour mener la jeune vêle au taureau lorsqu’elle serait génisse. Ainsi, un nouveau veau permettrait d’avoir deux vaches laitières au lieu de deux.

Ses pensées bouillonnaient dans sa tête, alors qu’elle frottait, aspergeait d’eau, et frottait encore.

A genoux, elle se releva et essuya d’un revers de main son front en sueur. Elle entendit venant du dehors les coups de haches sur le billot. Morgove avait entrepris de reconstituer la réserve de bois pour l’hivers. Elle sourit. Elle savait Lysa quelque part dans la maison en train de nettoyer elle aussi.
Lusiana regarda le sol, il était presque propre. Il ne lui restait plus qu’un coin à brosser. Elle prit alors son sceau, alla chercher de l’eau et se remit à genoux à frotter en chantant.

Qui veut chasser une migraine
N'a qu'à boire toujours du bon
Et maintenir la table pleine
De cervelas et de jambons

Ref :
L'eau ne fait rien que pourrir le poumon
Goûte, goûte, goûte, goûte compagnon
Vide-nous ce verre et nous le remplirons

Le vin goûté par ce bon père
Qu’il s'en rendit si beau garçon
Nous fait discours tout sans grammaire
Et nous rend savant sans leçon

Loth, buvant dans une caverne
De ses filles enfla le sein
Montrant qu'un sirop de taverne
Passe celui d'un médecin

Buvons donc tous à la bonne heure
Pour nous émouvoir le rognon
Et que celui d'entre nous meurt
Qui defiera son compagnon

Elle jeta joyeusement sa brosse dans le seau, attrapa un panier où elle mit une bouteille de cidre, trois verres, une terrine, une grosse miche de pain, un peu de lard et du saucisson. Elle sortit et alla rejoindre Morgove qui s’échinait toujours à couper du bois. Sur la pointe des pieds, elle déposa un rapide baiser sur sa joue et posa son panier.

Lysa ! On fait une pause !

Elle déboucha la bouteille de cidre et en servit un verre qu’elle tendit à Morgove en attendant que Lysa les rejoigne.

Lysa arriva, son cheveu roux en bataille. Le visage couvert de poussiere, elle s'essuyait avec une grande blouse qui couvrait ses braies. Elle avait commence à nettoyer les pieces de l'etage qui étaient couvertes de poussiere et vidé des malles et armoires qui étaient là

- Il y a plein de draps, bien sur ils sont tres sales, mais le tissu est impeccable. Etrange que les mites ne les ont pas mange, en les faisant laver on pourra beaucoup en recuperer Lusi.
Alors Morgove, on se fait les muscles ? tu as bien bossé dis-moi !

Lysa regarda le panier avec concupiscence

- On prend un encas ?